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L’EXPERT PEUT DEMANDER DES INFORMATIONS NE FIGURANT PAS DANS LA BDESE

Par un arrêt du 18 mai 2022, la Cour de cassation confirme que l’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise est fondé à réclamer la communication d’informations complémentaires à celles mises à disposition dans la BDESE.

A défaut d’accord sur la périodicité des consultations, le CSE est consulté annuellement sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2312-26, I).

Dans le cadre de cette consultation, l’employeur est tenu de mettre à la disposition du CSE les données telles que prévues par accord ou, à défaut, listées aux articles R. 2312-18 et suivants du Code du travail. Ces informations doivent ainsi être mises à disposition dans la BDES (devenue BDESE pour inclure les conséquences environnementales depuis le 25 août 2021).

Afin d’être assisté lors de cette consultation annuelle, le CSE peut désigner un expert-comptable dont la mission porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension de la politique sociales de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi (C. trav., art. L. 2315-91 et L. 2315-91-1).

Par un arrêt du 18 mai 2022, la Cour de cassation a confirmé que les informations auxquelles l’expert-comptable doit avoir accès dans le cadre de sa mission ne se limitent pas à celles contenues obligatoirement dans la BDESE.

Dans cette affaire, un expert-comptable avait été désigné par un CSE consulté sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. Dans le cadre de sa mission, l’expert avait notamment sollicité, auprès de la société, la transmission de certaines données sociales individuelles anonymisées.

Invoquant l’insuffisance des éléments transmis, le CSE avait fait citer la société selon la procédure accélérée au fond. Tant le président du tribunal judiciaire que la cour d’appel de Lyon avaient condamné la société à transmettre à l’expert les informations demandées relevant que ce dernier était tenu à des obligations de secret et de discrétion.

Dans son pourvoi, la société avançait, notamment, que l’employeur n’était tenu de communiquer que les pièces utiles à la consultation sur la politique sociale, ce qui devait s’entendre des éléments recensés spécifiquement dans la BDESE tels que prévus par l’article R. 2312-20 du Code du travail.

Cet argument n’a pas convaincu la Cour qui a considéré que l’employeur doit fournir les informations demandées par l’expert et ce, peu important qu’elles ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la BDSESE, sous réserve, selon sa jurisprudence constante, des deux limites suivantes :

  • Les informations demandées doivent être nécessaires à la réalisation de la mission d’expertise. Il appartient à l’expert de déterminer les documents utiles à sa mission (cass.soc. 23 mars 2022);
  • Les documents demandés doivent exister.

Au cas d’espèce, la Cour a relevé que l’existence des informations individualisées et anonymisées sollicitées par l’expert n’étaient pas contestée par la société et a considéré que les éléments demandés étaient effectivement nécessaires à la réalisation de la mission d’expertise.

En conséquence, la Cour a approuvé les juges du fond d’avoir décidé :

  • Que « l’agglomération des données produites par la société » à l’expert-comptable, qui excluait  20% de la population des salariés, était de nature à fausser l’analyse, notamment en gommant des écarts de salaire ou les changements annuels des populations de cadres ;
  • Et que la production des informations « brutes » était nécessaire à la réalisation de la mission d’expertise dès lors qu’elles étaient de nature à permettre une analyse complète en matière de promotion, de qualification et d’égalité professionnelle entre hommes et femmes sur la totalité du périmètre social.

Ainsi, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence portant sur le périmètre des informations susceptibles d’être demandées en cas d’expertise légale, lequel n’est pas limité par le contenu obligatoire de la BDESE. La Cour de cassation considère qu’il appartient au seul expert-comptable désigné par le CSE de déterminer les documents utiles à l’exercice de sa mission, sous réserve que la société ne se trouve pas dans l’impossibilité de les produire (Cass. Soc., 5 mars 2008).

Il est donc recommandé aux entreprises, pour limiter le risque d’un contentieux et le cas échéant d’une prolongation des délais de consultations, d’échanger avec l’expert sur les données sollicitées afin d’identifier les informations nécessaires pour la réalisation de sa mission tout en assurant les moyens de garantir leur confidentialité.